En janvier, c’est le Januhairy, un challenge qui consiste à ne pas s’épiler pendant un mois et à en parler sur les réseaux sociaux, et particulièrement sur Instagram, avec #januhairy. Mais derrière ce hashtag ce cache bien pluuuuus qu’un challenge. C’est tout une remise en question de l’épilation qui est entrain de se dérouler, et ça se passe toute l’année. 

Quand j’étais plus jeune, absolument personne ne parlait de ne pas s’épiler. S’épiler, c’était comme se laver, un truc de base qu’on ne questionnait pas. Aujourd’hui, de nombreuses initiatives voient le jour pour parler de ce sujet très complexe, qui s’installe dans les conversations féminines et pas uniquement féministes. Parce que voilà, s’épiler, c’est peut-être pas tellement un truc de base en fait.

Lorsqu’une idée bien établie commence à être déconstruite, il est facile de dire que c’est une « mode ». Une petite lubie du moment qui passera demain, une façon de se faire remarquer, quelque chose qu’on aura oublié bientôt.

Mais ne plus s’épiler, c’est bien plus qu’une mode. C’est une remise en question des normes de beauté et des injonctions imposées aux corps des femmes. Une volonté de s’affirmer, de se réapproprier son corps.

C’est une démarche d’amour et d’acceptation de soi autant qu’une rébellion féministe et politique.

Pourquoi ne plus s’épiler ?

Essaye de répondre à cette question toute bête (mais dont la réponse est trèèèès difficile) : pourquoi tu t’épiles ? Parce que c’est la norme ? Parce que les poils c’est sales ? Parce que c’est moche ? Tu vas sûrement avoir envie de répondre que tu t’épiles pour toi, parce que tu préfères. Et c’est vrai, mais ça c’est une raison de surface qui a des racines bien plus profondes : une norme imposée qui contrôle le corps des femmes.

Si tu lis régulièrement ce que j’écris, je suis sûre que tu penses que la norme pour le corps, c’est un peu une arnaque. C’est cette même norme qui nous impose des régimes qui ne marchent pas et qui nous fait complexer d’avoir des vergetures ou de la cellulite alors que c’est normal d’en avoir. C’est elle qui nous dit qu’on est trop grosse quand on dépasse le 40, qu’il faut avoir des gros seins mais un ventre plat, et que surtout il faut s’habiller de façon à s’amincir et à cacher toutes nos imperfections. On n’a pas envie de lui dire d’aller voir ailleurs à cette norme toxique ? 

Peut-être qu’à l’idée de ne pas t’épiler, ta première pensée est « beurk ». Mais les hommes, en général ils ne s’épilent pas. A priori nos poils sont relativement similaires, pourquoi les poils masculins seraient propres et ceux des femmes seraient sales

Et enfin, tu trouves peut-être tout simplement ça moche. Mais pourquoi tu trouves ça moche ? Est-ce que ça ne serait pas parce que justement la seule norme que tu as toujours connu, c’est l’épilation, et parce qu’on dit qu’une femme, ça s’épile, sans jamais questionner cette idée ? 

La question à se poser, ce n’est pas pourquoi certaines décident d’arrêter de s’épiler. Mais plutôt pourquoi à la base on s’épile tout court. 

Alors bien sûr, il ne suffit pas de se poser quelques questions pour avoir une illumination et brûler ses bandes de cires avec ses copines sorcières-féministes en jetant un mauvais sort au patriarcat. 

Personnellement, à force de me demander pourquoi je m’épilais, j’ai fini par ne plus pouvoir éviter la vraie réponse : parce que j’ai intégré que les poils n’étaient pas féminins, que c’est moche, que je pense qu’on va me regarder de travers, que si j’ai une aventure sentimentale, j’aurais des remarques pas cool, bref je le fais parce que la société me dit de le faire, pas parce que ça me fait du bien. Au contraire, cette douleur et l’organisation que ça implique, j’ai du mal à le supporter.

Voir aussi : Pourquoi je déteste m’épiler

À partir de là, je ne suis pas devenue poilue et fière l’être. Ce serait trop simple. Quand une idée est très bien ancrée, on ne la déconstruit pas en un claquement de doigts. C’est pareil avec tes complexes. Tu as beau te dire que tu veux t’aimer comme tu es, avec tes bourrelets, tes vergetures, ta cellulite, ça ne veut pas dire que tu ne vas pas mettre un peu de temps à y arriver. Et ce n’est pas parce que certaines semblent passer ces étapes hyper vite que tu dois culpabiliser d’avoir besoin de plus de temps, ou même de ne jamais y arriver. 

Je n’ai pas arrêté complètement de m’épiler. J’ai troqué mon épilateur pour un rasoir, que j’essaye d’utiliser le moins souvent. Je continue à aller chez l’esthéticienne pour faire disparaitre mon indésirable moustache parce que ça, j’ai vraiment du mal à faire avec. Et j’ai même parfois ressorti mon épilateur dans des moments où d’autres soucis prenaient trop de place et que vivre en harmonie avec mes poils me semblait un problème de plus.

Voir aussi : Ne plus s’épiler la moustache, un challenge auquel je ne fais pas encore face

Peut-être que je n’arriverai jamais à arrêter de m’épiler. Mais en se questionnant, on change déjà des choses dans notre comportement, et on passe un message positif aux générations suivantes. J’avance à mon rythme, mais j’avance. En réalisant d’où vient mon besoin de m’épiler et en m’écoutant pour me laisser le temps d’avancer au rythme qui me va, j’arrive petit à petit à me réconcilier avec mes poils et à les laisser vivre leur vie. Je ne sais pas si j’arriverai à complètement jeter rasoirs, bandes de cire et épilateur, mais ce qui compte ce n’est pas la destination finale, c’est d’avancer dans cette direction.

La charge mentale de l’épilation

Je disais plus haut que ne plus s’épiler, c’est un geste politique, féministe et même libérateur. Parce que l’épilation, c’est une énième charge mentale qu’on pose sur les épaules des femmes. 

Pense un peu au temps que tu passes à gérer tes poils, à te demander si tu es épilée, à te dire qu’il faut que tu le fasses, que tu prennes rendez-vous. Pense à tout l’argent que tu as dépensé pour te débarrasser de ces poils depuis que tu as commencé à t’épiler. Pense à la douleur que tu dois gérer, aux irritations, aux poils incarnés, à toutes les techniques que tu as testées pour trouver la meilleure. 

Franchement, tout ce temps et tout cet argent auraient pu être utilisés pour des choses bien plus agréables et importantes pour toi. 

L’épilation, c’est quelque chose qui revient constamment. Si tu te rases, tu vas le faire tous les jours ou presque. Si tu t’épiles, au mieux tous les mois, mais honnêtement si moi je ne veux pas en avoir de poils, c’est plutôt toutes les semaines ou au mieux tous les 15 jours.

Les poils ça pousse vite, et on en a beaucoup. Les jambes, les aisselles, le maillot. Et pour les moins chanceuses, le ventre, les seins, le visage, les bras. J’ai même des poils sur les pieds. Je me suis déjà épilé les orteils, on marche pas sur la tête là ? Être parfaitement lisse, c’est une bataille constante pour les femmes, et encore plus quand on le malheur d’avoir une pilosité développée, des problèmes hormonaux ou juste quand on est brune. Même si on n’arrête pas soi-même de s’épiler complètement, questionner l’épilation c’est d’ailleurs aussi créer un monde inclusif pour celles qui ne veulent plus le faire.

Un truc qui revient aussi souvent, c’est une charge mentale énorme. En été, c’est quotidien. Tu  as sûrement déjà porté des collants, des leggings, un t-shirt, pour cacher tes poils alors qu’il faisait trop chaud pour ces vêtements, parce que tu n’avais pas eu le temps de t’épiler. Tu as déjà eu des irritation, des brûlures, des poils incarnés. 

C’est un truc qui est toujours dans un coin de ta tête. Un truc de plus à gérer.

Ne plus s’épiler, ce n’est pas une mode mais c’est actuel

Se dire qu’un acte n’est qu’une « mode », c’est surtout une façon de diminuer la puissance de cet acte, et ne pas reconnaitre la pression que représente l’épilation pour les femmes.

Ne plus s’épiler, c’est bien plus qu’une mode. C’est un acte qui s’inscrit complètement dans la volonté actuelle de s’affirmer, de retrouver son corps, de ne plus se construire uniquement sur des critères physiques. Et ça, c’est très féministe.

Alors bien sûr, savoir tout ça, ça ne change pas vraiment le fait que ne plus s’épiler, c’est dur, et c’est pour ça que je le dis encore une fois. Pour certaines, ça se fait facilement, mais pour la majorité d’entre nous, accepter sa pilosité reste un truc difficilement inimaginable. Et même en détestant s’épiler, même en sachant qu’on le fait par obligation, même en étant très féministe, c’est un combat intérieur compliqué. 

Mais tu sais quoi ? Te dire déjà que tes poils ne sont pas sales, c’est un changement. Te dire que tu as le droit de ne pas t’épiler, c’est un pas en avant. Te dire que les poils, ce n’est même pas moche, c’est un grand progrès. La déconstruction, ça ne commence pas par l’action mais par le questionnement, et je suis sûre que c’est ça l’étape difficile. Parce qu’une fois que tu as questionné et que tu es persuadée de faire un truc bien pour toi, c’est beaucoup plus difficile de faire des gestes concrets. 

Prenons le temps dont nous avons besoin, mais envisageons de ne plus nous épiler. Et avec tout ce temps et cet argent qu’on va économiser, faisons des trucs chouettes pour nous. 

Si c’est un sujet qui te fait aussi réfléchir, viens en discuter dans les commentaires ! Tu en es où avec tes poils ?

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